[Inde] Ladakh - Exploration du Changthang
Le Changthang indien est une vaste région montagneuse située dans la partie orientale du Ladakh au-delà de la barrière de l'Himalaya, côté N. Elle chevauche deux chaînes de montagnes : la Ladakh range dans la partie N au-dessus de l'Indus et le Zanskar range au S de ce même fleuve Indus. Elle a pour caractéristiques principales de posséder l'une des valeurs moyennes d'altitude des plus importantes de l'arc himalayen avec des montagnes qui s'inscrivent entre 5500 et 6800m et des cols altiers dont pas un ne se trouve en-dessous de 5500m ! La région a été de tout temps une zone de nomadisme estival où les Tibétains venaient faire paître et brouter leurs troupeaux de yacks, de chèvres et de moutons avant de retourner dans leur pays dès les premiers frimas de l'automne (pour la plupart d'entre eux..., en effet, si l'on prend comme exemple le village de Puga sumdo, c'est devenu au fil des ans une colonie de réfugiés...). A l'exception de ces 5 dernières années pendant lesquelles la frontière sino-indienne a été close suite à la pandémie de Covid-19...
Jusqu'à présent, je n'avais pu parcourir que la partie S du Changthang, celle qui s'étend grosso modo des rives de l'Indus aux cuvettes des lacs du Tsomo Riri et de Kyun Tso, et que l'on nomme de Rupshu. Les étrangers, munis d'un permis restrictif en règle, n'y étaient admis que pour une période très réduite à quelques jours, pas plus d'une dizaine... La partie septentrionale du Changthang leur était interdite en raison de la guerre larvée avec les Chinois pour une histoire de frontières sur fond de protection de la route de la Soie qui traverse la province de l'Aksaï Chin et, moins mis en avant, d'accaparation de ressources en eau des lacs du Pangong Tso et du Spangur Tso (voir au jour 29 du topo décrivant la 4ème partie du trek la présentation succincte du contexte qui a conduit à la guerre éclair de l'automne 1962 ; j'ai rédigé cette note de synthèse après avoir rendu visite au War mémorial de Chushul Gonpa). Et encore plus avec la fermeture totale des frontières entre 2020 et 2024 rapport à la pandémie de Covid-19 (aucune tolérance de passage même pour les nomades tibétains...!).
Ce projet d'exploration du Changthang me tenait à coeur depuis plus de 10 ans, et cela bien avant que je ne réalise les treks De Rumtse au Spiti, Tour du Rupshu, De Sangtha au Tsomo Riri, De l'Indus à la Chandra et La haute route du Tsomo Riri à Mahe, tous circonscrits au seul Rupshu. Je savais que je ne pourrais pas l'accomplir avant une totale levée de l'interdiction de traversée du massif. Celle-ci s'est produite au début de l'année 2024. Dans ce Changthang septentrional, j'avais tout de même initialisé quelques pénétrations sous forme de "banderilles" entre 2015 et 2019 mais n'avais pas eu le succès attendu (voir dans la rubrique Explorations en cours les initiatives de 2018 Pangong et Changthang et de 2019 Changthang depuis Ligche). En effet, la première fois, en septembre 2018 au départ de Chibra, le froid nous était tombé dessus d'un coup et une "petite brise" bien fraîche nous avait refroidis (sans jeu de mots...) avec 2 premières nuits à -10°C et des perspectives pas plus réjouissantes pour la suite... J'avais jugé que de poursuivre dans ces conditions nous aurait épuisé plus que de raison et les trois personnes qui m'accompagnaient, et je me rajoute à la liste, risquaient de se fatiguer plus que de raison... Et puis, un peu de compassion pour les infatigables travailleuses, les mules, qui auraient dû subir des températures nocturnes peu propices à leur récupération... Retour immédiat au point de départ, trek de substitution dans une vallée du Ladakh moins "hostile" et rendez-vous pris pour l'année suivante. Cette fois-ci, en 2019, j'avais choisi la fin du mois de juin avec un départ depuis Ligche : là, ce furent les cumuls de neige fraîche tombée en avril qui nous ont stoppés dans notre progression car nous pataugions dans de la "soupe" et, une fois encore, il y avait un risque avéré de mettre en danger l'intégrité physique des mules et des chevaux de la caravane. A partir d'un camp de base situé à 4700m, celui de Drilche doksa, j'en avais quand même profité pour explorer le fond des vallées qui y convergent en prévision du futur, d'où la présence d'un embryon de topo dans la rubrique Explorations en cours...
Rien de concret pendant les 3 années de pandémie de Covid-19 et de tergiversations (bien compréhensibles...) avant la réouverture du pays au tourisme. Je m'étais alors tourné vers le Népal (Le piémont du Dhaulagiri puis Le camp de base E du Saïpal suivi de 2 étapes de la G.H.T De Simikot à Gamgadhi et de La traversée du Haut-Dolpo N) où il était plus facile de construire quelque chose... Ce n'est qu'à la toute fin de l'année 2024 que j'ai obtenu l'information que mon "rêve" d'exploration du Changthang pourrait devenir une réalité l'année suivante ! Pas question d'y aller trop tôt, ni trop tard, le choix se portera sur le mois d'août.
Les topos qui suivent cette introduction contextuelle contiennent la description intégrale d'un itinéraire qui est le reflet d'un travail d'exploration d'une trentaine de jours concernant la quasi totalité des vallées de la partie septentrionale du Changthang à l'exception notable d'une vallée fluviale, celle de la Har Togpo. Les 2 cols, le Yogma La et le Gongma La, qui lui donnent accès par le haut, après que l'on soit allés découvrir les passages, nous ont paru trop dangereux pour y engager hommes et bêtes en raison d'une moraine rendue très instable par le recul d'un glacier suspendu. "Cent fois sur le métier, remets ton ouvrage"..., on remontera la vallée à l'été 2026 au départ de Chushul Gonpa avant de traverser l'Indus pour finir aux abords du lac du Tsomo Riri. Ceci complètera le descriptif intégral de la région. Ceci dit, c'est déjà une première car si l'on se réfère aux cartes indiennes du coin, le Changthang septentrional c'est un grand blanc plein de vide !
Cette région méritait bien que l'on y porte une attention. On l'a parcourue en long, en large et en travers...! C'était l'idée de départ. Avec une équipe de 6 ladakhis motivés, une caravane d'animaux de bât composé de 12 chevaux et mules, notre équipe de 4 amis trekkers s'est vue de suite confrontée :
- au rude climat très contrasté (0°C les nuits sous la tente avec -5°C à -10°C dehors et jusqu'à +30°C au soleil brûlant et indice UV 11+),
- à l'altitude pesante (1 mois au-dessus de 5000m avec seulement 3 brèves incursions à moins de 4500m...,
- au manque de pression d'O² le jour pour avancer et de nuit pour se reposer complètement en prévision du lendemain),
- aux traversées éreintantes des tourbières (loin devant la totalité des régions du Ladakh, le Changthang arrive sans conteste possible en n°1...!)
- à la disparition des chemins historiques autrefois pratiqués par les nomades et les villageois des profondes vallées et qui aujourd'hui partent à vau l'eau du fait que les humains se tournent vers les véhicules 4x4 en empruntant les routes goudronnées qui ceinturent ou traversent le massif, voire financent de nouvelles pistes de pénétration jusqu'aux alpages sans toutefois traverser les cols de la Ladakh range,
- et aussi, comme partout dans le Monde, au constat que les gens de la montagne se détournent de leur lieu de vie ancestral pour rejoindre la périphérie des villes ; la désertification fait rage ! Et comme on peut les comprendre... Ecoles, commerces, moyens de transport, électricité, métiers valorisants pour quelques uns d'entre eux, etc. La montagne est laissée à l'abandon et outre le crève-coeur de traverser des espaces autrefois lieux de vie estivaux comme frappés d'effroi après une attaque nucléaire, c'est le patrimoine de sentiers, de ponts, d'aménagements divers qui part à vau l'eau, condamnant le futur du trekking au Ladakh, qui se cantonne aujourd'hui à 3 ou 4 itinéraires touristiques, de nos jours souvent doublés d'une piste ou d'une route goudronnée (à quelques rares passages près...).
Le tourisme au Ladakh se développe à vitesse grand V mais a pris un virage à 180° en créant à tour de bras (ou de Caterpillar...) des axes routiers en quantité, et aussi en qualité (à l'opposé du Népal...), augurant, mais c'est déjà une réalité aujourd'hui..., une dégradation très rapide. Avec la facilitation du tourisme en mode 4x4, voire moto pour les plus "sportifs", y compris pour rejoindre le fond de vallées sans issue mais présentant des paysages somptueux de lacs enchâssés au milieu de cirques glaciaires, il faut craindre le pire ! Jusqu'à présent isolés du Monde et à la seule disposition de ceux qui se fendaient de 3 ou 4 jours de marche pour les découvrir et les apprécier, je n'ose penser au niveau de pollution que subiront tous les sites naturels que l'on aura visités lors de cette exploration et qui deviendront dans les prochaines années accessibles à tout quidam sachant appuyer sur une pédale d'accélérateur.
Ici, en Inde, les parcs naturels existent (le Changthang est d'ailleurs une réserve de protection de la faune sauvage, si, si... au sein de laquelle vivent des loups, des chevaux sauvages, des kiangs, des marmottes, des gypaètes et même des panthères des neiges). Ces espaces sont bien entendu dotés de règlementations que seuls ceux qui s'y intéressent respectent, ceux qui ont un peu de considération pour la Nature. Quand on voit ce qu'est devenu le lac du Pangong Tso en moins de 10 ans depuis que l'upper middle-class indienne l'a découvert en visionnant le film Three Idiots, au demeurant excellent..., cela fait froid dans le dos, non...? Rejet des ordures et des fosses d'aisance dans les eaux du lac, habitat de toile sur les rives au mépris d'un quelconque respect d'un code de construction, sur-fréquentation en été, activités polluantes et bruyantes... Aïe, aïe, aïe ! En attendant que ce que j'annonce se réalise, profitez de ces topos pour aller découvrir avant l'Apocalypse cet endroit de Paradis peu à peu grignoté par Satan...! A vous de jouer...
Ce tour a donc été effectué au cours de l’été 2025 et, en fonction des conditions que nous avons rencontrées sur le chemin (sentiers détruits demandant plus de temps du fait des incessantes traversées de rivières, ou carrément impraticables nécessitant une modification d’itinéraire, ou bien encore l’interprétation des innombrables erreurs de tracé des cartes topographiques en notre possession, Olizane série 2008 au 1/150000ème pour ne pas les nommer…), je propose in fine la segmentation de cette exploration du Changthang en 4 parties qui, en les aboutant, permettent de recréer l’itinéraire complet que nous avons suivi, charge à vous de le suivre en totalité ou non... :
- la première en 13 jours incluant les 2 jours de voyage depuis l'Europe, les 3 jours de la première phase d'adaptation à l'altitude 3000-3600m à Leh (avec visites de sites remarquables le long de la vallée de l'Indus) et enfin 8 jours entre Chabru et Taruk consacrés à un trek d'acclimatation dans le NW du Changthang et permettant de tester son aptitude à supporter le franchissement de 3 cols mesurant respectivement 5590m, 5470m et 5620m et accédé aux 5720m du sommet panoramique sans nom situé sur la crête de la Ladakh range, sommet que l'on a baptisé Kikisoso peak du nom dont on a affublé le chien de berger qui nous a accompagné lors de la totalité du parcours de la 1ère semaine de trek... On cloturera la semaine par 1 nuit de repos au bord du lac du Pangong Tso à 4500m et on consacrera la journée du lendemain à la découverte en voiture de la rive S du lac et de ses environs avant de rejoindre Tangtse pour une repas de qualité au restaurant avant de rejoindre le lieu de départ de la 2ème partie de l'exploration du Changthang à Chibra.
- la seconde en 11 jours consacrée au franchissement de 3 cols (5610m, 5770m et 5670m) depuis Chibra jusqu'à Khera Pullu.
- la troisième en 5 jours de Khera Pullu à Chushul Gonpa consacrée à l'exploration de la vallée de la Kailung Togpo. Cette partie du trek est optionnelle puisqu'opérée en A/R du fait que le col à 5720m qui permet de sortir de la vallée par le haut n'est plus praticable par les mules. Mais elle est intéressante puisque l'on croise pas mal de troupeaux de yacks, de moutons et de brebis encadrés de la bergère, que la vallée est verdoyante, que l'on croise quelques lacs et que l'on a le plaisir, tout en haut, de pénétrer au coeur d'un beau cirque glaciaire côté N de la Ladakh range.
- la quatrième en 5 jours de Chushul Gonpa à la vallée de l'Indus (entre Mahe et Chumathang) permet de découvrir, pour finir ce trek d'exploration, l'un des endroits les plus sympas du circuit lors de la traversée de plateaux lacustres de toute beauté (ce sont les sources de la Chushul Chu...) où les pics glaciaires de la chaîne du Chakula, celle qui termine la Ladakh range, se reflètent dans les eaux cristallines des retenues d'eau. Sur cette dernière partie, on aura franchi 5 cols (5480m, 5440m, 5325m, 5350m et "seulement" 4780m...) avant de toucher le goudron à 4110m...
Entre ces 4 parties, les liaisons pédestres ne présentant pas d'intérêt particulier (entre Taruk et Chibra, puis entre Khera Pullu et la sortie de la vallée de la Kailung Togpo) ont été réalisées à bord de véhicule : la voiture avait fait le voyage depuis Leh à des fins de ravitaillement du groupe, on a simplement profité de sa présence pour s'octroyer 3 journées de repos au cours desquelles on en a profité pour visiter des spots d'intérêt comme le lac du Pangong Tso ou Chushul Gonpa). De plus, du fait de l'altitude à laquelle nous évoluions, nous n'avons pas forcé sur les temps de marche en respectant les fameux 400 à 500m maximum de progression entre deux nuits (recommandation des médecins du sport spécialistes de l'altitude (Ifremmont par exemple...)). Nous avons souvent terminé nos journées vers 12h30 ou 13h, rarement après, ce qui nous a permis de procéder à des "excursions" complémentaires de recensement d'itinéraires alternatifs ou de belvédères au départ du camp après avoir déjeuné d'un repas chaud et s'être octroyé un petit temps de sieste.... Le résultat de ce travail complémentaire d'exploration est indiqué sous forme d'option à la suite du descriptif du circuit et souvent complété d'une photo incitative à s'y rendre...
D’un intérêt majeur au niveau des paysages et caractérisé par son caractère « hors des sentiers battus » affirmé, voire à de nombreux moments wilderness total, cette randonnée plus ou moins au long cours (selon la ou les portions sur lesquelles vous vous engagerez…) ne revêt pas plus de difficultés qu’une autre réalisée dans le périmètre himalayen (bien sûr…). Seule une excellente acclimatation à l'altitude, non précipitée, vous permettra d'apprécier au mieux ce périple. Voici quelques chiffres, histoire de ne pas se prendre au sérieux :
- 29 jours de marche (8 + 11 + 5 + 5),
- 3 jours de repos,
- 12 cols dont 10 au-dessus de 5600m,
- 5775m, l’altitude maximale atteinte sur la crête qui conduit au Steansi La (jour 19),
- 87 heures de marche (20 + 36 + 13 + 17),
- entre 230 et 300kms en incluant les explorations complémentaires (impossible à comptabiliser en montagne),
- 11000m de dénivelées positive ou négative,
- 20 guirlandes de drapeaux à prières déposées dans les cols (« Ki ki So so La Gyalo ! »),
- 3500 photos,
- et seulement 9 jours de poulet…
En-dessous, vous trouverez les topos des 4 composantes de cette Exploration du Changthang, et tout en bas de la page, les habituelles rubriques Préparatifs, Sur place et Dossier de voyage qui cette fois-ci seront communes aux trois treks présentés.
1ère partie - De Chasur à Taruk et Pangong Tso
2ème partie - De Chibra à Khera Pullu
3ème partie - De Khera Pullu à Chushul Gonpa
4ème partie - De Chushul Gonpa à l'Indus
Relevés de terrain août 2025
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