Du Toubkal à l'Atlantique...
- Le 08/07/2012
- Dans Voyages
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Le pari était osé : faisant suite aux trois précédents opus qui avaient eu pour cadre le Haut-Atlas central et oriental (voir les topos GTAM1, GTAM2 et GTAM3), cette fois-ci le programme de la GTAM4 avait pour but de relier en une grosse vingtaine de jours Imlil, situé au pied du Toubkal, plus haute montagne d’Afrique du Nord, aux rivages de l’Atlantique en traversant de manière longitudinale la partie occidentale de la chaîne. Pas facile tous les jours… La réussite de ce projet est complète. Je tiens à remercier celle et ceux qui m’ont accompagné dans cette bambée.
Priorité aux gens du cru car sans eux pas de GTAM :
- nos trois muletiers - cuisiniers (les deux Hussein, le « vieux » et le jeune, habitant dans la vallée d’Imlil accompagnés de Mohamed du village voisin de Tachedirt) choisis avec soin par mon ami Ahmed Ait Hammou pour m’épauler dans cette épreuve. Il fallait des hommes et des vrais ! Pas de place pour l’à peu près dans la réalisation de ce circuit. J’ai cité les hommes mais il faut assurément y associer leurs « compagnes » de tous les jours, ces mules émérites qui se sont acquitté de leur tâche avec un grand niveau de professionnalisme. C’est que les chemins que nous avons choisis de suivre (parfois sur un coup de cœur à la suite d’une discussion avec un berger) ne se sont pas révélés pour certains d’entre eux de tout repos. La modernisation des accès aux villages concrétisée par la réalisation d’infrastructures routières (routes ou pistes) a bien évidemment conduit à l’abandon de l’utilisation des sentiers inter-vallées. Cela conduira d’ici peu de temps à l’inéluctable destruction des moyens de communication ancestraux du fait du manque d’entretien quotidien par les villageois et rendra encore plus difficile la réalisation de ce type de circuit qui traverse la montagne d'E en W alors que les villageois se déplacent à présent du N au S...
- M’hamed, mon complice des randonnées découvertes de l’Anti-Atlas, à qui j’avais demandé de m’accompagner afin d’utiliser ses capacités de fouineur pour débusquer les personnes qui pourraient nous aider à trouver les bonnes routes et nous indiquer a priori leur praticabilité. De plus, pénétrer dans le Haut-Atlas occidental, revêtait pour lui un intérêt particulier car il pouvait ainsi étendre son domaine de connaissances au-delà de la région de Tafraoute dont il est LE spécialiste.
- Véronique, Jacques et Jean-Marc qui ont pleinement adhéré à ce projet et m’ont aidé jour après jour par leur abnégation, leur gentillesse et leur compréhension de tous les instants à créer une dynamique de groupe qui s’est concrétisée positivement sur le terrain.
- et surtout je ne peux pas passer sous silence les travaux préalables d’André Fougerolles et de Michael Peyron qui ont tous deux consacré une grande partie de leur vie à l’Atlas marocain. Ils ont laissé des ouvrages de référence inégalés en densité d’informations. Plus particulièrement, je tiens à remercier très chaleureusement Michael que j’ai pu rencontrer l’été dernier et qui a mis à ma disposition l’ensemble des cartes topographiques en sa possession, relevés de terrain, topos et même offert l'avant-dernier exemplaire de son livre édité en 1984 à compte d’auteur « La GTAM, La grande traversée de l’Atlas marocain » entièrement tapé à la machine à écrire, véritable travail de fourmi qui m’a servi à construire un itinéraire de base. Les documents qu’il m’a communiqués ainsi que les cartes au 1/100000e que je possédais par ailleurs m’ont permis d'élaborer la création d'un itinéraire appelé je l’espère à (re)devenir un classique de la randonnée au long cours.
Je dois aussi invoquer la chance qui, si elle ne sourit qu’aux audacieux, nous a permis de découvrir des coins extraordinaires de beauté sauvage et nous faire rencontrer des villageois et des bergers heureux d’échanger sur leur lieu de vie, en partageant au débotté pain d’orge trempé dans l'huile d’olive, thé à la menthe, au thym ou à l’absinthe et même parfois des fruits. Ces discussions nous ont grandement aidé dans notre quête quotidienne. Quatre ou cinq exemples de cette insolente chance ?
1- une semaine après notre mise en route, nous nous attaquons au gros morceau que représente l’ascension du Djbel Erdouz. La montée est éprouvante sur des traces de sentier et nous décidons M’hamed et moi de descendre par le directissime vallon S (variante absolument pas imaginée ni répertoriée mais a priori très utilisée par les bergers). Les genoux en compote après mille mètres de terrain rocailleux plutôt pentu, nous décidons de passer par les azibs Timguichte. Comme ça… Nous y rencontrons un paysan qui nous offre de l'eau fraîche puis le thé et nous parle de ce qu’il y a derrière le col là-bas au bout de sa vallée. Sûrement assez aguichant pour que derechef le lendemain nous prenions cette destination et découvrions deux vallons exceptionnels. Mais plus que tout, la découverte du vallon dans lequel sont situés les azibs Aoun aura été l'occasion pour le jeune Mohamed orphelin de père que nous avons rencontré à l'occasion de notre passage de trouver une maison du côté de Tafraoute chez M'hamed puisqu'il a proposé de le prendre chez lui et de l'adopter pour qu'il reçoive gîte, couvert et éducation… Un sacré grand coeur ce M'hamed ! A n'en pas douter, cela se fera dans les mois à venir...
2- nous reprenons pour une semaine l’itinéraire communément emprunté pour aller du tizi n’Test à Afensou et qui remonte la vallée de l’oued Nfis jusqu’au plateau du Tichka. Nous rencontrons des bergers qui nous disent qu’au-delà d’Afensou, une gigantesque piste est en train d’être construite et est appelée à gommer tous les sentiers qui existent. Tristes sommes-nous… Nous voyant dépités par la perspective d’un parcours quasi autoroutier jusqu’à la mer (on exagère mais bon…), ils nous enjoignent de changer de vallée et de bifurquer vers le N passer le col d’Aguerd Oughdel pour nous engager dans la vallée de l’assif Tournit. Quel bijou allons-nous découvrir ! Et cerise sur le gâteau, juste avant Timezgadiouine, nous aurons l'occasion d'effectuer la traversée de la caldeira d’un volcan qui a ses heures a dû faire quelques dégâts dans le coin. Imaginez aussi la surprise des habitants du premier hameau à la sortie des gorges qui voient arriver une caravane de touristes harassée par la chaleur ambiante (ce jour-là sûrement plus de 45°C)… Ca ne leur était sûrement pas arrivé depuis longtemps !
3- Timezgadiouine sur la RN8 qui va d’Agadir à Marrakech. Attablés au "Bagdad café" du bord de route, nous sommes confrontés à notre première panne : il nous manque la carte topographique de la région d’Argana. Personne ne peut nous renseigner dans le coin car depuis bien longtemps le transport ne se fait plus à pieds mais en voiture. Idée de génie de M’hamed qui propose que nous nous rendions à la Gendarmerie Royale du coin qui justement se situe pile poil de l'autre côté de la route. Après que M’hamed et moi nous nous soyons expliqués auprès du chef de poste, ne voilà-t-il pas qu’il retourne dans son bureau et revient quelques minutes plus tard avec le bijou le plus précieux qu’il possédait en ses murs, la fameuse carte au 1/50000e que l’on croyait disparue à tout jamais ! Nous la déplions, la photographions, la transférons sur le mini-PC pour une étude précise et miracle, d’antiques chemins (on les espère toujours d’actualité) apparaissent. Dès le lendemain, ce petit coup de pouce du destin va nous ouvrir d’autres horizons que celui de la route goudronnée qui pourtant semblait inéluctable. On s’en ira traverser un plateau boisé où la vie pastorale bat son plein et l’occasion de plein de rencontres…
4- A Tazarine, nous nous demandons comment nous allons faire pour rejoindre Imouzzer autrement que par les 37 kms de goudron. Le gardien de l’hôtel où nous sommes descendus nous dégotte un « guide » qui connaît(rait) un chemin par la montagne et qui annonce que l’on va rejoindre le village désiré en une journée. Alléchant mais peu crédible au vu de la longueur de l’étape projetée sur la carte au 1/50000e. Mais bon ! La foi déplace les montagnes et le matin suivant nous lui emboîtons le pas. Cette personne se révèlera totalement incompétente dans sa fonction (il a juste su nous indiquer le col à passer pour sortir de la vallée et après s’est contenté de suivre le groupe ; au moins pour la prochaine fois il pourra proposer ses services en connaissance de cause…). Sa seule bonne action ? Il nous aura quand même mis sur le bon chemin pour sortir de la vallée... Ensuite M’hamed prendra le relais et trouvera dans chaque village la personne (il faut qu’elle soit assez âgée quand même, sentier de mémoire oblige…) qui nous indiquera la bonne route jusqu'au prochain village, et ainsi de suite. Pour ma part, je me réfère aux cartes topographiques que j'ai en ma possession pour valider les choix d'itinéraires proposés. On découvrira à l’occasion une région de plateaux creusés de splendides canyons… Un mini Verdon par ici ? C’était inespéré !
5- A Imouzzer, sorti du tourisme basique, il ne faut rien attendre des habitants côté rando. C’est route, route et encore route. Les relations de M’hamed nous permettront d’identifier l’ami d’un ami d’un ami, guide dans le coin, auprès duquel il pourra obtenir un itinéraire utilisant un maximum de chemins et de pistes hors du goudron avec des estimatifs horaires quasiment objectifs, une rareté au Maroc…
Ce ne sont que quelques exemples mais ils attestent bien qu’il devenait urgent de recenser les chemins praticables sur cet itinéraire. Et il reste heureusement encore beaucoup de chemins non asphaltés : sur les quelques 300 kms de cette randonnée de 22 jours nous n’avons emprunté que 12 kms de goudron.
Le topo et les cartes topographiques annotées du circuit réalisé sont déjà mises en ligne. Bien entendu, la région du Haut-Atlas occidental est très vaste et à peine rentré en France, j’ai déjà quelques idées de circuit (au moins deux…) qui seraient à même d’aller explorer dans les prochaines années d’autres vallées confidentielles et ainsi poursuivre le travail initialisé par Michael Peyron. Quand on pense qu’un tour-opérateur français bien connu se permet de parler d’une « traversée intégrale de l’Atlas marocain » en ne consacrant que 3 jours à la traversée de ce massif, c’est bien peu donner de considération à d'autres régions que celles du Toubkal ou du M’Goun… Déjà sur les GTAM1, GTAM2 et GTAM3 qui avaient pour cadre le Haut-Atlas central, on n’avait pas vu beaucoup de touristes, mais sur la GTAM4 on a atteint le summum ! 2 personnes en tout et pour tout au moment du franchissement du tizi n'Taougdalt le 2e jour... Pourtant il y a tout ici : des vallées verdoyantes, des sommets élancés, même des parois d’escalade, des possibilités infinies de traversées sur et hors sentiers, des villages, des bergeries à ne plus savoir où dormir, et puis de l’eau, beaucoup d’eau : dans la majorité des sites traversés la nappe phréatique affleure le sol. Sources, ruisseaux, puits sont pléthore… Sur place, on s’imaginerait parfois en train de traverser la Corse hors des sentiers battus.
Que puis-je vous conseiller de mieux que de suivre les chemins que nous avons foulés et de vous lancer dans cette aventure au long cours qui vous laissera des souvenirs plein la tête et du bonheur complet jour après jour. Et puis au bout il y a la "carotte", le plouf dans l'Atlantique et les regards ébahis des baigneurs qui voient une caravane de mules traverser la plage sur laquelle ils sont allongés. Au-delà des baigneurs, notre arrivée à aussi déboussolé quelques gendarmes... Un souvenir de plus lorsque nous avons été convoqués auprès du chef de poste pour "dérangement à l'ordre public" et que ce dernier s'est confondu en plates excuses avant d'engueuler ses ouailles de manière très courroucée.
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