C'était un chouille trop tôt...
- Le 18/11/2022
- Dans Voyages
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Exécuté trop tôt (mais comment aurions-nous pu savoir ?...) en cet automne 2022, le projet de tour du Dhaulagiri I que nous avions programmé est venu buter sur la trop grande incertitude de disposer de conditions favorables pour accomplir avec succès le périple. A notre grand dam, nous nous vîmes contraints de rebrousser chemin à seulement 3600m d'altitude au niveau de l'Italian Camp. Faute à une mousson qui se traînassait plus que de raison en longueur déposant chaque soir de ce début octobre des quantités de neige fraîche sur la partie technique de la traversée.
Les deux groupes qui nous avaient précédés venaient de renoncer laissant sur place 4 morts, 2 dans des avalanches et 2 par M.A.M. Quelques jours plus tôt, deux skieurs de l'extrême avaient renoncé à leur projet de descendre la face N du Dhaulagiri I du fait d'une qualité de neige qu'ils avaient considérée comme trop dangereuse. Peu engageant, non ? Notre équipe formée de pompiers alpinistes chevronnés a même tenté d'arracher à la mort un trekkeur vietnamien le jour même de notre arrivée au camp des Italiens. Vainement, malheureusement, le caisson hyperbare dont nous nous étions munis et que nous avions mis à la disposition du guide népalais n'a pas suffi. Il faut dire qu'avec une valeur de 35 qui s'affichait sur l'oxymètre, il y avait peu de chances qu'il échappe à son funeste destin, mais nous avons eu le mérite de tenter ! Le secours en montagne au Népal passe bien souvent après les considérations mercantiles des touristes (eux, au moins, ils payent cash tout de suite, contrairement aux assurances...). Au moment précis où il aurait fallu envoyer rapidement un hélico vers le Swiss Camp (et la météo était suffisamment stabilisée en cette fin d'après-midi-là...), de nombreux touristes étaient bloqués à Lukla à l'autre bout du pays et plus aucun appareil n'était disponible pour venir en aide du côté du Dhaulagiri puisque tous loués pour assurer les rotations entre le Khumbu et Kathmandu afin que les touristes ne risquent pas de rater l'avion international... Le choc a été rude dans nos esprits nous demandant si l'on avait bien tout tenté...
Déjà, bien avant d'atteindre la vallée de la Myagdi khola, nous supposions que les conditions d'enneigement autour du massif du Dhaulagiri n'étaient pas top alors que nous traversions la "jungle" népalaise entre les vallées de la Rahughat khola (Patlekharka) et de la Myagdi khola (Bagar) car nous constations de nombreuses rotations d'hélicoptères et cela n'était pas pour nous rassurer quant à la réussite de notre projet... Une fois arrivés à l'Italian Camp, nous avons croisé les porteurs des deux expéditions qui nous précédaient et qui redescendaient à pied vers la vallée (les touristes s'étaient embarqué dans les hélicos tout là-haut...). Les échanges que nous avons eu confirmaient nos craintes : avalanches de neige et de roches en provenance des couloirs pentus qui encadrent la gorge étroite qui s'inscrit entre Tsaurabong et Dhaulagiri I, et au-delà du Japanese Camp, à seulement 4200m, des cumuls de neige peu portante (entre 3 à 4m nous annonçaient-ils...) et "rafraîchie" tous les après-midi par les chutes pluvio-orageuses.
Il faut savoir qu'après le Japanese Camp, il faut passer 2 cols à 5300m et traverser la Hidden Valley, un lieu paumatoire si l'on n'a pas de trace à suivre avec le risque supplémentaire de brouillard avant de pouvoir s'échapper et entamer la grosse dégringolade vers Marpha. Bien avant d'atteindre l'Italian Camp, on avait déjà tiré un trait sur l'ascension du Thapa peak à 6012m (n'en rajoutons pas !). Là, le retour d'expérience des porteurs nous a dissuadés de demander aux nôtres, assurément moins bien équipés et protégés que nous, de les engager dans une semaine d'incertitude et de danger... Alors que faire ? Redescendre, certes, mais pas directement ! J'ai proposé à mes camarades de découvrir la campagne népalaise de la région des collines (les "hills" comme ils disent...) pour retrouver Beni. 4 à 5 jours seraient nécessaires pour traverser ce lieu de vie de nombreux paysans qui pour la plupart d'entre eux n'ont pas vu de touristes ailleurs qu'en descendant dans les vallées du côté de Beni ou de Pokhara...
Une fois de retour à Bagar, on a descendu la gorge de la Myagdi khola jusqu'à Naura et, au lieu de poursuivre tout droit vers Muri, on s'est échappé à main gauche vers Khibang, un village Chantyal de toute beauté dans lequel nous avons été accueillis de bien belle manière par les habitants. Que de rencontres et de plaisirs partagés, de parties endiablées de volley-ball avec la jeunesse népalaise, filles et garçons qui se débrouillent plutôt pas mal. C'est vraiment le sport-roi dans cette région des collines : un terrain plat de taille réduite entouré d'un grillage assez haut pour ne pas aller chercher le ballon 200m plus bas... 2 poteaux, 1 filet, un peu de peinture pour marquer les limites et un ballon ! Et c'est parti pour une ronde endiablée jusqu'au coucher du soleil et même au-delà... L'accueil fut identique lors des étapes suivantes à Malkabang et Thadapani où les villageois ont mis les "petits plats dans les grands" pour que nos soirées soient mémorables. Et elles le furent ! Les derniers touristes qui étaient passés par là, c'était au printemps 2001, si, si, nous nous en souvenons parfaitement Marie et moi, car c'était au cours de notre trek découverte décrit dans le topo Entre Annapurna et Dhaulagiri...
Parcourir la région des collines, c'est aussi découvrir des lieux de vie très isolés les uns des autres, des pâturages d'altitude, des chemins qui remontent les coteaux hyper-pentus pour rejoindre une bergerie plantée on ne sait où..., des chemins qui ne mènent nulle part... et la communion avec les sangsues. Voraces en diable, qu'elles soient petites, moyennes ou grosses, elles sont des millions à vivre dans cet espace de forêts que les Népalais nomment la "jungle". Sans exagérer, on se demande comment elles auraient pu survivre si nous n'étions pas passés sur leur territoire !
Côté paysages, on a eu le bonheur de pouvoir contempler de splendides panoramas sur les chaînes de montagnes qui marquent la séparation entre les districts de Myagdi, du Dolpo et du Mustang. Le Dhaulagiri I, il faut le savoir, appartient au Mustang, le bas certes (encore qu'avec ses 8167m c'est un doux euphémisme...), mais au Mustang quand même ! Avec les incertitudes de Madame Météo, la largeur du créneau était ténu : on disposait au réveil des couleurs évoluant sur les pics glaciaires du rouge à l'orange, au jaune et pour finir au blanc jusqu'au moment où les nuages envahissaient l'horizon aux alentours des 10-11h du matin. Ce n'est qu'à l'approche du coucher de soleil, vers 5h de l'après-midi, on est sous les tropiques !, qu'on pouvait profiter d'une apparition furtive des sommets juste avant la tombée (très rapide) de la nuit.
Avec tout cela et malgré les péripéties subies, j'ai pu composer un circuit d'une vingtaine de jours qui permet de découvrir un Népal authentique se déroulant loin des itinéraires touristiques courus et parcourus. Déjà, lors de la Kora du Dhaulagiri, les traversées de Dhorpatan et de la partie S du haut Dolpo avaient permis de faire étape dans des villages isolés du tourisme. Cette nouvelle région que je vous invite à découvrir en suivant le jour par jour du Piémont du Dhaulagiri I est beaucoup plus facile d'accès et n'est soumise qu'à l'obtention d'un permis de 30$ pour 1 mois (à comparer avec la rançon de 50$/jour demandée par les autorités népalaises pour randonner dans le haut Dolpo ou le Mustang...). Rien de difficile côté altitude, au maximum 3600m et éventuellement un A/R à 4200..., juste ce qu'il faut de wilderness pour s'immerger dans un espace de vie bien éloigné du nôtre et qui autorise à réfléchir sur notre condition de privilégié, si, si...
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